Concert irréalisable? Allons-y!
Voici le troisième épisode dans cette mini-séries sur la Orquesta Tipica Fernandez Fierro. Lors du deuxième épisode, que vous pouvez encore lire ici, il était question d’un voyage en Italie pour voir cet orchestre de tango la nouvelle génération sur scène. L’expérience du concert était tellement forte qu’il nous fallait absolument faire venir la OTFF chez nous, à Toulouse, lors de la prochaine tournée européenne. Concert irréalisable? C’est ce que nous allons voir, en prenant l’inspiration des mots prononcés lors de la création de l’Aéropostale entre Toulouse et Buenos Aires.
J’ai refait tous les calculs. Ils confirment l’opinion des spécialistes : notre idée est irréalisable. Il ne nous reste qu’une seule chose à faire : la réaliser.
Pierre-Georges Latécoère, pionnier de l’aéronautique
La Fernandez Fierro n’existerait plus
Malheureusement, en février 2005, les choses se sont quelque peu compliquées. D’une part, malgré les échanges fructueux par mail avec Pablo Jivo, il était déjà difficile d’identifier une date de retour en Europe pour les musiciens. Mais ce n’était rien à côté d’une nouvelle qui commençait à circuler sur les réseaux du tango : suite à une séparation, La Fernandez Fierro n’existerait plus ! Quoi?!
Renseignements pris, il s’agissait en réalité, des départs de 3 musiciens de l’orchestre. En premier, Fernando Añon au bandonéon, devenu père d’un enfant, avait décidé de mettre en œuvre un projet longuement mûri de vivre en dehors de Buenos Aires. Mais pour le second, Julian Peralta, pianiste et directeur musical de l’orchestre, il s’agissait de différences plus profondes à propos du cap à prendre pour la suite de l’aventure. L’orchestre étant structuré en coopérative, les membres se sont tous exprimés, puis ont voté. Julian Peralta est parti fonder Astillero, qui deviendra très vite un ensemble qui fait référence dans le Tango du siècle nouveau. Peralta amène un troisième membre, Patricio “Tripa” Bonfiglio, avec lui dans ce nouveau projet. C’était une grande remise en question pour La Fernandez Fierro qui avait peu bougé depuis 2001, et Peralta et Bonfiglio pesaient lourds dans la construction du répertoire et l’énergie sur scène.
Heureusement, les candidats pour les postes vacants ne manquaient pas et La Fierro 2.0 est née. Un long régime de quatre répétitions par semaine et de concerts hebdomadaires a non seulement permis à Pablo Gignoli (devant à droite de l’image) et à Martin Sued (bandonéon à gauche) aux bandonéons et à Santiago Bottiroli (de dos) au piano de s’intégrer à l’orchestre, mais également aux anciens de se reforger une identité musicale.
Un disque pirate officiel
Avec la bonne nouvelle de la continuation de l’orchestre, nous apprenons également la sortie d’un nouveau disque, Vivo en Europa, réalisé à partir de l’enregistrement d’un concert de novembre 2004 au Liechtenstein, un état qui est plus petit que la ville de Buenos Aires. C’est bien pour l’orchestre et pour nous. Cela permet de rebondir suite à la crise des changements parmi les membres de l’orchestre et, même si ce disque pirate officiel (sic) est joué par l’ancienne formation, Vivo en Europa constitue un travail nouveau à partager.
Le disque reproduit en partie le répertoire joué au concert en Italie d’octobre 2004 décrit dans l’épisode précédent. il y a également un nouveau thème musical sur le disque; un thème qui va être joué en ouverture des concerts de l’orchestre pendant de nombreuses années à partir de 2005. Il s’agit du puissant A los que se fueron du bandonéoniste et compositeur contemporain Daniel Binelli, dans un arrangement du contrebassiste de la OTFF, Yuri Venturin. Nous pouvons revivre les premières répétitions avec Binelli grâce à une séquence du film Orquesta Tipica de Nicolas Entel. Cliquez sur l’image pour revivre la scène (sous titrée en anglais) lorsque l’homme qui fut membre de la Orquesta Tipica Osvaldo Pugliese de 1969 à 1982 transmet le sens de son œuvre à la génération suivante.
Enfin l’annonce d’une tournée européenne
En avril, Pablo Jivo nous annonce enfin une date de concert pour la nouvelle version de La Fernandez Fierro à Zurich, le 27 juillet 2005. Les organisateurs suisses financent les billets d’avion pour les 12 musiciens. Pour le petit groupe d’enthousiastes de la région toulousaine, cette nouvelle relance le projet d’un événement local. Ce sera pour le samedi 23 juillet à Toulouse. Dans 3 mois. Il ne reste plus qu’à trouver une salle, un sonorisateur, un budget … Notre idée semblait irréalisable en si peu de temps ? Il ne nous restait qu’une chose à faire, comme dirait Latécoère : la réaliser.
Création d’une coproduction
Les tangueros de Toulouse disposent déjà en 2005 d’une liste de diffusion sur Yahoo! Groups, ce qui permet d’interpeller les personnes susceptibles d’être intéressées par l’organisation d’un tel événement. Il existe plusieurs associations de tango dans la Ville Rose mais pour réaliser ce concert en 3 mois une seule association ne suffirait pas. Nous acceptons toutes les bonnes volontés. Nos échanges nous amènent à nous structurer en coproduction pour réaliser l’événement de manière collective.
Il s’agit parfois d’associations de tango argentin – A Media Luz (Christine Caminade et Laurent de Chanterac), La Vitrola (Sandrine Navarro, Benoît Dalet), Tangueando Toulouse (Eric Schmitt), Tres Minutos con la Realidad (Albert Antolin), Artefacto (Claire Prouhet) et Las Morochas (Martine Rondet). Il y a également deux orchestres d’amateur de tango – La Mariposa (Flavien Mercier) et Sexteto Menor (Jacques Pfeiffer). Pour finir, il y avait des artistes et aficionadxs tel.le.s que Gustavo Gomez (danseur), Jorge Saraniche (musicien), Solange Bazély, Marie Reine Bakry, Sylvie Bibron et Pascal Azam.
La force de l’effort collectif
Les membres de la coproduction prennent en charge différents aspects de l’organisation et nous apprenons très vite que rien ne résiste à la force de l’effort collectif. Grâce aux contributions de personnes d’horizons très divers nous trouvons les éléments indispensables.
Notre date du 23 juillet tombe en pleine période de vacances d’été, mais la municipalité de Labarthe-sur-Lèze, jointe par Sandrine Navarro, aime notre projet et accepte de nous prêter sa salle polyvalente.
Nous joignons un sonorisateur, Jean Claude Fois, rencontré au Festival Tarbes en Tango, qui est disponible et qui s’entend avec Pascal Azam pour établir la liste du matériel à réserver en location pour fournir son et lumière adéquats. Les doigts de Pascal Azam – encore lui! – également notre sorcier en informatique, nous fabriquent des flyers, des plaquettes publicitaires, une affiche et une page web.
Le magazine associatif du tango argentin en France, La Salida, nous garde une demie page à prix d’amis pour annoncer l’événement dans son prochain numéro à une époque où la presse papier pèse encore lourd dans la promotion réussie des événements. Il nous faut faire salle pleine pour couvrir nos frais, et nous mettons la France entière à contribution.
Gonzalo Bongiovanni et Daniel Stec, deux musiciens de Toulouse qui jouent dans le style du Duo Salgan-De Lio, proposent leur duo piano-guitare pour faire la première partie du concert.
Les DJs Toulousains se proposent spontanément pour apporter leurs platines et leur talent pour compléter le programme musical de cette soirée festive et dansante.
Enfin, nous avons constitué une mise de fonds collective grâce à la participation des membres de la coproduction volontaires qui prennent des parts à 50 euros en fonction de leurs moyens. Cette somme est déposée sur un compte bancaire éphémère, nouvellement crée pour l’événement. La mise de fonds permettra d’avancer l’argent nécessaire pour régler nos prestataires et couvrir nos dépenses matérielles; nos recettes seront également déposées sur ce même compte suite au concert. L’argent qui restera à l’issue de toutes ces transactions servira à rembourser nos actionnaires en fonction du bilan financier post-concert.
La diversité des membres de la coproduction nous impose une grande transparence dans nos pratiques administratives. C’est une contrainte utile qui génère de longues discussions mais qui permet de garder l’adhésion de tout le monde.
Ça peut commencer!
Le 22 juillet 2005 nous donnons rendez-vous aux musiciens de la Fernandez Fierro vers 20 heures sur le parking de la Cité de l’Espace. Ils arrivent de Paris avec deux vans de location. Ensuite, nous les amenons vers leurs hébergements offerts généreusement chez l’habitant par Dominique et Marie-Reine Bakry à Ramonville, Suzanne et Paul Fourcassié, et puis Eric Schmitt à Toulouse. Sylvie et moi-même recevons Pablo Jivo chez nous. Pablo, enfin sorti de l’ordinateur et présent à Toulouse!
Dernier épisode à venir – le concert – ici! Vous trouverez des vidéos d’extraits du concert. J’espère regrouper quelques impressions de personnes présentes le 23 juillet 2005. N’hésitez pas à me faire part de vos souvenirs !
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