Les apports de la traduction
Vous habitez une seule langue? Ou plusieurs? Personnellement, je vis perpétuellement en français et en anglais, avec un peu d’espagnol. J’aimerais partager un moment d’épiphanie vécu en novembre dernier lorsque j’ai assisté à la performance d’une pièce de William Shakespeare, le plus anglais des auteurs anglais, jouée en français. Cette expérience tourne dans ma tête depuis un certain temps. Voici les premiers fruits de cette réflexion.
This post is also available in English. So you have the choice. Bonne lecture.
Tout entendre, tout comprendre
C’était bizarre de me trouver retenu par la force dans une grande salle, face à face avec un gars au nom de Thibault qui ne semblait pas se tenir complètement debout. Nous venions de nous rencontrer, mais je pouvais voir déjà que c’était quelqu’un d’imprévisible. Au début, il parlait de manière assez agréable. Il me disait que la guerre était terminée et que des temps meilleurs étaient venus. La guerre ? Quelle guerre ? Il cligna des yeux, comme si ma question ne méritait son attention, puis sourit. C’était un peu forcé, à mon avis, mais il voulait clairement se faire aimer, malgré sa déformation. Il s’approcha de moi et je pus sentir sa sueur, ressentir sa nervosité. Un certain Édouard était chargé des affaires, dit-il, mais c’était temporaire. Thibault se prétendait subtil, faux et traître ; tout le contraire d’Edouard, qui était loyal et juste. Il était presque drôle dans sa façon de promettre meurtre et méchanceté, ne me menaçant jamais directement, tout en étant menaçant quand même. Puis soudain, quelqu’un arriva. Thibault dit que c’était Clarence, et insista pour que je regarde. Il avait du travail à faire, et il s’y est mis.
Il y avait 900 autres personnes dans la salle avec moi, mais on aurait dit que j’étais seul avec Thibault Perrenoud, qui jouait le rôle-titre dans une représentation dominicale d’une nouvelle version française de Richard III de William Shakespeare dans une mise en scène de Guillaume Séverac-Schmitz. Nous étions le mélange improbable habituel d’un public de week-end, mais il nous attirait tous vers le monde que son personnage était sur le point de construire là, devant nous.
Quelque part pendant la représentation de cette pièce, que j’avais déjà lue et vue sur scène à plusieurs reprises, j’ai pris conscience que, peut-être pour la première fois, je pouvais tout entendre, tout comprendre de ce qui se jouait devant mes yeux et à portée de mes oreilles. Ce fut une véritable révélation.
La pérennité de l’œuvre de Shakespeare n’est plus à démontrer. Il y a seulement sept ans, le 400e anniversaire de la mort de Shakespeare a vu la publication de nombreuses enquêtes menées au sujet des perceptions actuelles du dramaturge et de son œuvre. Lorsque le Times Educational Supplement a interrogé des enseignants au Royaume-Uni sur la relation de leurs élèves avec Shakespeare, leurs réponses avaient de quoi surprendre.
Plus de la moitié des enseignants d’anglais disent que leurs élèves ont du mal à se connecter avec l’œuvre du dramaturge. Et près de la moitié des enseignants disent que leurs élèves sont convaincus qu’ils ne comprendront pas les pièces de Shakespeare avant d’avoir lu ne serait-ce qu’un seul vers.
TES, 15 mars 2016
Croire que vous n’allez pas comprendre quelque chose peut vous empêcher même d’essayer. Pourquoi est-ce que nous n’avions pas eu cette impression à l’écoute du monologue d’ouverture de Richard III à Toulouse ? Peut-être parce que, lorsque vous êtes au théâtre, vous êtes plongé dans une situation plus que verbale. Vous êtes retenu dans une pièce par par la force d’un personnage, les yeux dans les yeux, qui veut que vous compreniez ce qu’il traverse par tous les moyens nécessaires.
À moins que Shakespeare ne soit simplement meilleur en traduction ?
Mieux compris à l’étranger qu’à la maison
Dans une autre publication enquêtant sur l’influence du Barde 400 ans après sa disparition, le British Council a interrogé 18 000 personnes dans 15 pays différents pour savoir si elles connaissaient, aimaient et comprenaient Shakespeare. Les résultats étaient édifiants.
Shakespeare est plus populaire et mieux compris dans les économies émergentes telles que le Brésil, l’Inde, la Chine, le Mexique et la Turquie qu’il ne l’est au Royaume-Uni, suggère un nouveau rapport du British Council.
Une enquête auprès de 18 000 personnes dans 15 pays révèle, par exemple, que 88% des Mexicains interrogés aiment Shakespeare, contre seulement 59% des Britanniques ; 84% des Brésiliens ont déclaré le trouver encore pertinent pour notre monde d’aujourd’hui, contre 57% au Royaume-Uni ; et 83% des Indiens ont dit le comprendre, bien plus que les 58% des Britanniques.
The Guardian, 19 avril 2016
Ainsi, le vieux William serait non seulement plus aimé et plus respecté à l’étranger qu’au Royaume-Uni, mais également mieux compris ? Avant de paniquer, deux remarques s’imposent.
Premièrement, il s’agit ici d’un sondage d’opinion, pas d’un test de compréhension. Seulement 58% des Britanniques ont dit comprendre Shakespeare. Les gens ont été invités à dire s’ils pensaient, croyaient ou avaient l’impression de le comprendre. Cela ne signifie pas que seuls 58% des Britanniques comprennent Shakespeare et 42% pas du tout.
Deuxièmement, l’article omet de dire que la majorité des personnes non britanniques sondées dans les pays cités auront certainement lu ou rencontré Shakespeare en traduction. Qu’est-ce que cela changerait ? Posons la question à un traducteur.
Par chance, le lendemain de la représentation en français de Richard III évoquée plus haut, il y avait une interview et une séance de dédicaces en compagnie du traducteur de la pièce, Clément Camar-Mercier, à la librairie Ombres Blanches du centre-ville de Toulouse. Alors, nous y sommes allés.
L’interview à la librairie était en fait destinée à promouvoir son premier roman, Le Roman de Jeanne et Nathan. Cependant, l’auteur a également parlé de ce qu’il avait appris de son travail de traducteur de Shakespeare.
Seuls les traducteurs comprennent vraiment Shakespeare

Il faut dire que Clément Camar-Mercier est un traducteur actif de Shakespeare. Lors de l’entretien à la librairie, il confirme son intention de traduire l’ensemble de l’œuvre du dramaturge. Le projet est bien avancé car, en plus de Richard III, il a déjà publié des versions françaises de Hamlet, The Tempest et Richard II.
Selon Camar-Mercier, les traducteurs comprennent Shakespeare mieux que de nombreux anglophones natifs. Cette observation est confirmée par les articles de presse déjà cités. Mais il est allé encore plus loin. En fait, il a ajouté, seuls les traducteurs comprennent vraiment Shakespeare!
Il semblait être conscient du caractère espiègle de cette provocation. Après tout, quand un traducteur nous dit que seuls les traducteurs comprennent vraiment Shakespeare, un témoin rouge se met à clignoter. On se souvient du Crétois qui disait que les Crétois étaient des menteurs1, et on se demande si on doit le croire ou non. Mais Camar-Mercier était simplement en train de se chauffer.
La langue de Shakespeare est archaïque et difficile, disait-il, rendant les pièces elles-mêmes verbeuses et longues, avec des pages et des pages de notes fournies par les universitaires qui les rendent encore plus longues. Et puis, il y a trop de personnages.
La solitude du lecteur de Shakespeare
Cela m’a fait réfléchir à mon propre parcours de lecteur anglophone natif de Shakespeare. Ayant été initié à certaines pièces au collège et au lycée2, j’ai découvert toutes les autres à l’université. Parce tout spécialiste en anglais doit lire Ze Complete Works. Why settle for less ? Au lycéé, nous passions un trimestre, parfois plus, avec un professeur passionné, à étudier une œuvre coriace comme Le Roi Lear. A l’université, il s’agissait d’engloutir une pièce par semaine sur un semestre avec un encadrement pédagogique minimal et des exigences d’analyse bien plus importantes.
Pris dans dans la solitude de la lecture d’un passage d’une œuvre inconnue alors que la date limite d’un TD ou la remise d’un écrit approchaient, il était souvent difficile de venir à bout de certaine pièces. Les pièces romaines3 m’ont particulièrement marqué à ce propos. Je vois maintenant, avec le recul, qu’au fond il s’agissait d’une histoire, racontée à travers du dialogue, et située dans des endroits que nous devions imaginer à partir de directives de scène souvent assez vagues. Mais, sur le moment, je trouvais tout cela souvent mystifié par le langage pour lequel l’auteur était si justement célèbre.
Shakespeare à l’écrit semblait si bien emballé, contenu sur la page, prêt à être possédé par l’esprit, si seulement le lecteur pouvait naviguer à travers ce texte verbeux. Petit à petit, j’ai appris à me poser de bonnes questions : Qu’est-ce qui se passait dans telle ou telle scène ? Qui était présent ? Quels étaient les enjeux ? Quelle citation choisir pour retenir l’essentiel ? Mais souvent je me perdais dans des détails que j’essayais de comprendre. Je perdais le fil. Et la pièce s’arrêtait brusquement.
Une traduction intralinguale, un outil de reformulation pour moderniser l’original, m’aurait grandement aidé, mais quand on veut jouer pleinement sur le terrain universitaire – et nous étions quelques-uns, we few, we happy few, we band of brothers … and sisters, à vouloir le faire – on doit respecter les règles du jeu.
Cependant, au théâtre à Toulouse ce dimanche-là, devant Richard III sur scène, j’ai suivi sans la moindre difficulté.
Time is the nurse and breeder of all good, comme le dit si bien un certain gentilhomme de Vérone. Si nous remontons le temps jusqu’aux jours du Globe Theatre où se jouaient les pièces pour la première fois, seuls les acteurs pouvaient voir les pièces écrites. Comment les gens parvenaient-ils à comprendre le Barde à l’époque ?
L’entendement de Shakespeare en son temps
Au temps de Shakespeare, ses pièces étaient jouées en direct sur scène. C’était une expérience audiovisuelle et sensorielle. Et si vous vouliez voir sa dernière pièce, vous deviez vous rendre au Globe ou rater l’événement qui faisait le buzz, à moins que vous ne trouviez quelqu’un pour vous le raconter. Les pièces étaient plus que des histoires jouées par les comédiens. Les décors étaient extrêmement basiques par rapport aux productions modernes, mais la richesse du langage était là pour pousser l’imaginaire à combler les lacunes. Si le spectateur était dépassé par la richesse lexicale du texte, la présence de la situation plus que verbale du théâtre – des acteurs sur scène interagissant verbalement et non verbalement – signifiait que, même si tout le monde ne compreniez pas tout, chacun comprenait assez pour continuer à suivre.
Comme l’illustre surtout le premier plan de l’extrait de Shakespeare in Love, film partiellement et parfois malicieusement fictionnel, le théâtre était un lieu de divertissement qui attirait un public très large à l’époque élisabéthaine. A l’intérieur du théâtre, l’installation des spectateurs se faisait en fonction du prix des billets : plus vous payiez, plus vous aviez de chances d’avoir un siège, avec une vue plus ou moins plongeante sur la scène ; moins vous payiez, plus vous aviez de chances de vous trouver parmi les spectateurs debout devant la scène à devoir lever les yeux pour regarder l’action.
Avec une telle diversité sociale dans le public, les pièces devaient non seulement avoir quelque chose pour tout le monde, mais elles devaient également prendre en compte le fait que l’attention et la capacité à comprendre des spectateurs variaient.
Au début de sa conférence à la British Academy en 2018, publiée en 2020, Raphael Lyne souligne que “Shakespeare nous fait réfléchir à notre façon de penser. Il fait travailler nos esprits de manière intéressante et inattendue, et il nous permet d’interroger ce processus”.4 Par conséquent, dit-il, “Il y a inévitablement des moments où les membres du public ne maintiennent pas une attention totale sur l’action et le langage d’une pièce.”
L’entendement et l’esprit vagabond
Raphael Lyne nous rappelle que personne n’attache de l’attention à chaque mot en regardant jouer une pièce de théâtre. Une production réussie, comme pour n’importe lequel art vivant ou spectacle de danse, permet aux gens de se focaliser l’attention sur le contenu, puis de s’en éloigner, tout en étant toujours capables de suivre le fil de la performance. Les spectateurs doivent trouver un sens à ce qu’ils voient, les événements qui se déroulent devant eux et, pour ce faire, leurs esprits vagabondent. Et comme le dit Lyne, “l’esprit humain fait beaucoup de travail important tout en vagabondant.“
Si l’esprit d’un lecteur est libre de vagabonder, lorsqu’il le fait, ce dernier sort du texte et de l’acte de lecture du texte, et il doit compter sur lui-même pour reprendre le fil à partir de l’endroit où il s’est mis à vagabonder.
Si l’esprit d’un spectateur au théâtre est libre de se promener ailleurs, le spectacle doit se poursuivre en son absence et le ferait avec ou sans lui, parce que le fil de la pièce est tenu par les comédiens sur scène. Par exemple, en regardant l’action se dérouler, notre esprit peut s’en détourner pour se focaliser sur quelque chose qui ne fait pas immédiatement partie de la pièce : nous-mêmes, nos espoirs, nos craintes, notre expérience du monde, notre lutte pour accepter des personnages dans des situations que nous n’avons jamais vécues, et ne vivrons peut-être jamais.
L’art du dramaturge consiste à créer un espace pour l’entendement qui permet au public de s’éloigner de l’action sur scène, puis d’y revenir sans se perdre.
Les traducteurs sont les médiateurs d’œuvres difficiles
Il est maintenant temps de revenir à la rencontre avec le traducteur Clément Camar Mercier, parce que, vous le comprenez bien, les traducteurs ont un rôle essentiel en tant que médiateurs d’œuvres difficiles et autrement inaccessibles en langue étrangère.
Un traducteur doit non seulement lire l’intégralité du texte au départ, ainsi que toutes les notes explicatives ; il doit ensuite faire la synthèse de ces contenus afin de transposer le texte de manière claire dans une autre langue. Si la traduction est plus difficile que l’original, personne ne la voudra, affirme Camar Mercier, donc le traducteur se doit de supprimer toutes les difficultés anciennes, sans en créer de nouvelles.
Interrogé sur le fait de savoir si ses traductions étaient du texte destiné au lecteur silencieux et désireux de comprendre Shakespeare, ou des propos destinés à être prononcés sur une scène, Camar Mercier a admis volontiers que ses traductions étaient toutes des adaptations conçues en vue de leur représentation scénique. Pour lui, le texte traduit est toujours du théâtre et doit fonctionner de manière orale. Sa collaboration avec le metteur en scène Guillaume Séverac-Schmitz et sa compagnie pour créer la nouvelle version de Richard III se devait d’être fidèle à l’esprit de Shakespeare, tout en tenant compte des notes explicatives des universitaires, afin que le tout fonctionne en performance. Une traduction de théâtre doit être conçue pour être dite par la bouche de l’acteur. Afin de bien identifier les éléments à modifier pour mieux rendre l’ensemble, il nous précise que toutes ses traductions sont réalisées en étroite collaboration avec les metteurs en scène travaillant avec des groupes d’acteurs désignés. En d’autres termes, sa tâche est toujours de produire une traduction sur mesure, au service de projets de productions précises.
A ce propos, il est entré dans le détail. Pour son adaptation de Richard III, il a réduit la longue liste des personnages de Shakespeare pour que la pièce puisse être interprétée par 9 acteurs, certains jouant plusieurs rôles. Cela voulait dire couper certains personnages et certaines scènes, tout en pensant à rédiger de nouveaux passages compensatoires. Ainsi, traduire une pièce de théâtre, pour lui, ne se limitait pas à une simple transposition d’une langue vers une autre, mais pouvait passer par une certaine réécriture de l’original – élaguer le texte superflu, introduire des explications d’ellipses ou de confusions dans l’intrigue qui pourraient égarer un public moderne, et supprimer ou combiner des personnages surnuméraires.
Par moments dans la production que j’ai vue à Toulouse, Richard prend du temps en dehors de ses monologues pour interagir avec les spectateurs, les interrogeant pour vérifier qu’ils ont bien reconnu le personnage avec lequel il vient de parler, ou faisant l’annonce de ce qui va suivre. Ces intermèdes correspondent complètement au personnage de Richard qui se confie au public tout au long de la pièce de Shakespeare, faisant déjà le commentaire de ses propres méfaits dans le texte original; mais cette interaction supplémentaire, augmentée pour la version française, aide le public à rester sur la bonne voie, tout en resituant l’action pour les esprits vagabonds quelque peu égarés.
Est-ce que Shakespeare est amélioré en traduction ?
Certes, la traduction française élimine bon nombre des obstacles créés par les archaïsmes et la richesse lexicale de l’original en anglais, qui n’ont pas fini de faire douter les lecteurs anglophones natifs à qui, même aujourd’hui, il arrive de douter de leur capacité de comprendre Shakespeare.
Le nombre croissant d’outils de traduction intralinguale en ligne rend Shakespeare bien plus accessible lors de l’étude des textes. Ces outils permettent aux lecteurs de faire des aller-retour entre version originale et versions modernes sans jamais quitter l’anglais 5. Il y a également des livres qui proposent des transpositions graphiques des pièces, notamment sous forme de mangas, qui ajoutent des éléments visuels qui facilitent la compréhension du texte souvent laissé dans sa forme ancienne par les éditeurs. Cependant, il faut le répéter, les représentations vivantes des pièces en anglais ou en traduction semblent être la clé pour ouvrir le corpus à un public aussi large qu’à l’époque élisabéthaine.
Considéré comme un cinéaste par anticipation par certains6, il existe une histoire d’amour sans fin entre Shakespeare et le grand l’écran. De nombreuses adaptations des pièces existent et peuvent servir de préparation où de complément aux représentations théâtrales. Elles sont faciles à visionner à la demande en ligne avec un grand choix de langues. De plus, les versions en anglais proposent souvent avec des options de sous-titres en VO ou en traduction – les sous-titres peuvent également faire l’objet d’étude en rapport avec la version originale. A ce propos, ne manquez pas l’adaptation récente The Tragedy of Macbeth (2021) de Joel Coen, une œuvre qui brouille les frontières entre théâtre et cinéma.
Bien plus que du texte, Shakespeare exige d’être abordé par les éclairages du jeu des acteurs et d’une mise en scène. En allant voir la nouvelle production française de Richard III au théâtre cette année, nous avons bénéficié de la médiation du traducteur sur les difficultés présentées par l’original au service d’une mise en scène tonique qui était constamment surprenante et captivante pour le public. La traduction seule n’aurait pas suffit!

Est-ce que la pièce est devenue meilleure? Oui, parce que ces choix améliorent incontestablement l’expérience du spectateur. Tout semblait plus accessible. La langue avait gagné en impact tout en gardant ses qualités poétiques. J’ai vécu la performance comme quelque chose de familier tout en étant renouvelé et rajeuni.
Richard restait toujours le tyran assassin qui meurt à la fin mais, tandis que nous applaudissions les acteurs debout, mon esprit s’est mis à vagabonder vers des souvenirs du vrai Richard III, la figure historique. En 2012, les restes de son corps furent localisés dans leur cachette sous un parking lugubre à Leicester en Angleterre près du site de la Bataille de Bosworth où Richard succomba en 1485. Son corps est désormais réinhumé de manière bien plus ostentatoire à la Cathédrale de Leicester. Est-ce que ce transfert – cette translation, en quelque sorte – fait de lui, enfin, quelqu’un de loyal et de juste?
Voici une question du genre générée à volonté par Shakespeare. Quelle que soit la langue dans laquelle il s’exprime, il nous laisse toujours avec une interrogation supplémentaire.
Un dernier mot
L’une des surprises d’un blog est que l’on pense savoir comment cela va fonctionner. Puis on commence à écrire, et l’inattendu jaillit. Ce n’est que lorsque j’ai commencé le texte appelé Saying it in your own words, publié en octobre, que je me suis aperçu du lien entre la reformulation d’un texte et sa traduction, un lien qui me semble tellement évident maintenant. Je ne pensais pas revenir aussi rapidement sur le thème de la traduction. Il a suffi d’une épiphanie au théâtre. That’s life.
- Un poème de la main du Crétois Epimenides, poète et philosophe, et la source du célèbre paradoxe du menteur. ↩︎
- Le Songe d’une Nuit d’Été, La Marchand de Venise, La Comédie des Erreurs, La Nuit des Rois, Roméo et Juliette, Macbeth, Comme il vous plaira, Le Roi Lear. A l’exception des deux derniers titres, il s’agissait de versions scolaires. ↩︎
- Le trio Jules César, Antoine et Cléopâtre, et Coriolan m’ont mis rudement à l’épreuve. ↩︎
- PDF en anglais : Shakespeare and the wandering mind ↩︎
- La devise du site NoSweatShakespeare announce : “Our mission is to help everyone understand Shakespeare’s language.” ↩︎
- Shakespeare, cinéaste par anticipation, Henri Suhamy, 2002 ↩︎
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