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Un album singulier de Bruce Springsteen

Sorti en 1982, Nebraska de Bruce Springsteen est une collection de chansons enregistrées par l’artiste chez lui, seul dans sa chambre, en toute discrétion : voix, guitares, mandoline, harmonica, glockenspiel et un peu d’effet d’écho. Ces chansons racontent un monde tour à tour touchant, fragile et inquiétant.

Il s’agit d’un album totalement atypique pour un artiste qui, à l’époque, devait sa réputation à cinq albums solides et des concerts fleuves dans le monde entier avec ses collègues du E Street Band. A 32 ans, il était devenu une star reconnue, même chez les jeunes, avec deux tubes authentiques à son nom qui passaient régulièrement à la radio – Born To Run, puis Hungry Heart. Tous les éléments étaient en place pour qu’il poursuive tranquillement son ascension au moment où il a choisi de prendre cette direction sombre et intime inattendue.

Bruce & E Street Band
1979 – Source Point Blank Mag
Bruce Springsteen Solo – Frank Stefanko
1982 – Source Morrison Hotel Gallery

Nebraska semblait tellement peu commercial – Bruce Springsteen seul et, malgré une certaine cohérence de ton et de propos, un ensemble peu dansant sans tubes potentiels – que Columbia Records, sa maison de disques, a décidé de le sortir sans photo de l’artiste sur la pochette, ni campagne de promotion, ni interviews, ni concerts. Pour laisser les auditeurs l’aborder et se l’approprier sans influence, selon les souhaits du chanteur ? Ou pour s’en détacher en cas d’échec ?

Compte tenu de l’actualité autour de Bruce Springsteen cette semaine, avec la sortie simultanée d’une version augmentée de Nebraska et du biopic Deliver Me From Nowhere qui met en scène l’époque de son enregistrement, je vous invite à prendre quelques instants pour regarder cet album de plus près, en privilégiant une entrée par la langue française, tout en citant des références vers des sources en anglais.

Drôle d’endroit pour une rencontre

Couverture de Nebraska
– sur fond de table en formica jaune

J’ai croisé Nebraska pour la première fois en octobre 1982 en rayon dans un grand centre commercial à Toulouse où je m’étais installé de manière permanente – installé à Toulouse, bien sûr, et non pas dans le rayon des disques d’un grand centre commercial. Étant sevré de mon addiction à la presse musicale hebdomadaire depuis mon départ de mon Angleterre natale 18 mois plus tôt, je ne m’y attendais pas du tout. C’était un drôle d’endroit pour une rencontre.

L’album était bien là, devant moi, identifié en lettres majuscules couleur rouge sang sur fond de nuit noir. La photo sur la couverture en noir et blanc par David Michael Kennedy était prise du point de vue d’un chauffeur qui regarde la route par la pare brise de sa voiture. Au dos, on pouvait lire les titres des 10 chansons, également inscrits en grands caractères rouges sur fond noir. J’ai toujours l’album que j’ai mis dans mon chariot ce jour-là entre les yaourts et la lessive. Et il arbore toujours l’auto-collant The Solo Album d’un côté, et l’étiquette bleue du prix payé de l’autre.

Dos de la pochette originale
avec le prix payé
– 47 frs et 50 cts

De retour à la maison, l’ouverture de l’emballage a révélé une pochette à double encart : une photo un peu floue de Springsteen par DM Kennedy sur le volant de gauche ; les paroles des chansons de l’album en anglais à droite. En lettres rouges sur fond noir, comme les titres à l’extérieur, ces paroles étaient plutôt difficiles à lire. En sortant le disque vinyle lui-même, je l’ai découvert dans une pochette de protection qui portait, en français et en allemand, la traduction intégrale des paroles des chansons – l’ensemble en lettres noires sur fond blanc cette fois-ci, et très lisibles. En tant qu’anglophone habitant un pays où l’anglais était encore une langue très étrangère, j’étais impressionné par la générosité de ce geste artistique – plutôt rare chez les artistes anglophones.

Quelque part, quelqu’un avait compris que, compte tenu de la retenue des performances de ces chansons de la part de l’artiste, il fallait donner quelques clés à l’auditeur non-anglophone pour s’accrocher à l’album afin qu’il puisse accéder au contenu et au sens de ces chansons décidément pas comme les autres. A cette personne non identifiée, je dis merci et danke.

Un personnage comme passager dans chaque chanson

Nebraska est un album à personnages. Chaque chanson raconte une histoire. J’ai mis du temps à le comprendre, mais le disque se prêtait à merveille aux écoutes répétées. Curieusement, ce n’était pas sur vinyle que nous l’écoutions le plus.

A l’époque, d’un commun accord avec mon épouse, Sylvie, nous avions toujours un lecteur de cassettes mono à piles pour amener de la musique en voiture lors de voyages avec notre fils, Sam, parce qu’il n’y avait pas de radio à bord. En général, notre poche à cassettes faites maison – une sorte de playlist avant l’heure – contenait un mélange de chansons en anglais et en français, un peu de musique classique avec du jazz, généralement glanés en direct à la radio. On embarquait aussi de la musique indienne et les premiers enregistrements de Billie Holiday. Inutile de vous dire que la cassette du dernier album de Bruce n’a pas tardé à faire partie de nos voyages.

C’était un choix régulier au crépuscule. Entre chien et loup, tandis que la lumière du jour s’en allait pour céder la place à l’obscurité, il nous arrivait souvent de glisser Nebraska dans la machine afin de déclencher le défilé des personnages et de leurs récits sur l’écran de la pare brise de notre chère Talbot Horizon. Avec chaque chanson, c’était comme si un voyageur supplémentaire s’était invité à bord pour nous raconter son histoire à la première personne avant de s’éclipser à la fin pour laisser la place au visiteur suivant.

Les visiteurs du soir

Le premier personnage, Charles Starkweather, nous racontait l’histoire de son périple en voiture à travers les Mauvaises Terres du Wyoming avec Nebraska, la première chanson de l’album. Quasiment pas de mélodie, une voix fantomatique, pour une histoire qui débutait par la rencontre avec une majorette qui faisait tournoyer son bâton devant chez elle1 pour terminer avec la peine capitale en chaise électrique. Un récit sombre qui était néanmoins basé sur des faits réels.2

Ensuite, Atlantic City nous amenait dans une ville dédiée aux jeux, le tout porté par une musique plus lumineuse. Mais le narrateur nous confiait, quand même, qu’il avait perdu son emploi et qu’il était criblé de dettes qu’aucun homme honnête n’aurait pu rembourser.3 Il était venu jouer ses dernières économies au casino, mais il a tout perdu. Il nous a rappelé avec sérieux la leçon apprise: Ici tu gagnes ou tu perds, et arrange-toi pour ne pas te trouver du côté des perdants.4 N’ayant plus le choix, il s’apprêtait à se fondre dans le monde de la pègre pour s’en sortir parce que peut-être que tout ce qui meurt revient un de ces jours.5

Atlantic City – clip conçu pour MTV

Par la suite, nous avons pris Ralph, alias Johnny 99, comme passager. Ancien salarié d’une usine d’automobiles près de Chicago, viré le mois précédent, il a démarré et terminé son histoire avec des cris de loup. Il nous a raconté comment la police l’a arrêté pour avoir tué un gardien de nuit avec un coup de feu. Quand le juge lui a demandé d’expliquer son geste, il a dit qu’il était criblé de dettes qu’aucun homme honnête n’aurait pu rembourser.6 Mais ce n’était pas tout : La banque tenait mon hypothèque et me reprenait la maison. Finalement, condamné à 99 ans de prison pour meurtre, il a confié au juge qu’il préférait plutôt la peine de mort.

Être criblé de dettes, vouloir mourir plutôt que mal vivre7 et le fait d’en avoir marre de se trouver toujours du côté des perdants8 sont des thèmes récurrents de l’album.

Chemin faisant, nous avons découvert le récit de Joe Roberts, un homme qui occupe les fonctions de gendarme dans l’état de Michigan, dans Highway Patrolman. Il nous a fait part du dilemme auquel il est confronté en permanence lorsqu’il doit faire appliquer la loi à quelqu’un de sa propre famille. Peut être que son frère Frankie ne vaut pas grand chose,9 mais il n’arrive pas à l’inculper : quand c’est ton frère, parfois tu fermes les yeux.10 Mais que pouvait-il faire le soir où son frère avait dérapé une fois de trop ? Pas le choix. Il fallait l’arrêter. Et le policier nous a avoué que, cette nuit-là, il a fait exprès d’engager une course poursuite derrière Frankie jusqu’à la frontière canadienne. Puis, il l’a laissé filer. Tu comprends, il nous dit, un homme qui tourne le dos à sa propre famille, et bien, il ne vaut pas grand chose.11

Highway Patrolman – clip crée avec des extraits du film The Indian Runner, une adaptation de la chanson réalisée par Sean Penn en 1991

Ensuite venait State Trooper, une chanson portée par un chauffeur solitaire qui passait sous l’œil d’un policier au péage de l’autoroute du New Jersey. Il conduisait sans permis dans une voiture sans papiers, mais il affirmait avoir la conscience tranquille sur tout ce que j’ai fait.12 On ne saura pas plus sur ce quse cachait derrière cette remarque, mais il voulait surtout éviter d’être contrôlé par l’agent de police et il répétait inlassablement Ne m’arrêtez pas, ne m’arrêtez pas13 sur une guitare au rythme régulier et imperturbable. A l’entendre, on avait l’impression d’une vie vécue comme une seule et longue nuit interminable traversée pour retrouver la femme qu’il aimait. Pourtant sa dernière prière, comme il le disait, était plutôt sombre : Délivre-moi de ce nulle part.14

Bruce Springsteen lui-même nous a aussi rendu visite à la première personne grâce à plusieurs souvenirs d’enfance, réels ou rêvés. Dans Mansion on the Hill, il était l’enfant qui regardait la grande maison sur la colline au dessus de son quartier, fasciné par l’allure et les occupants du lieu cossu inatteignable. Dans Used Cars il partageait le point de vue d’un petit garçon qui essayait de faire face au malaise qu’il ressentait quand les voisins de rappliquent de partout pour nous voir garer notre voiture d’occase flambant neuve.15 Il a même précisé que, le jour où il gagnerait au loto, il n’y aurait plus jamais de voiture d’occasion dans sa vie.

Histoires de cassettes

Au milieu de cette foule d’histoires, notre propre voiture d’occasion, notre chère Talbot Horizon, avançait dans la nuit qui était désormais bien en place. L’écoute de Nebraska créait toujours une atmosphère très particulière. Elle nous imposait une attention appuyée, accompagnée d’un sentiment d’identification avec les histoires racontées par toute cette série d’inconnus.

Cependant, l’espace sur une cassette faite maison étant limité, l’écoute de l’album ne pouvait pas aller jusqu’au bout de façon ininterrompue. Une coupure s’interposait quelque part vers la fin d’ Open All Night, une chanson énergique dans le style de Chuck Berry et excellente pour réveiller le chauffeur, au sujet d’un fou de voitures – Springsteen lui-même, de son propre aveu – qui reprend la dernière prière déjà citée de Délivre-moi de ce nulle part.16 C’était la dernière chanson sur la première face de la cassette, mais pas la fin du disque. Il manquait encore deux titres. Notre lecteur de cassettes n’ayant pas d’auto-reverse, le disque s’arrêtait là. Il restait la rêverie de My Father’s House et l’optimisme des causes perdues de Reason To Believe à écouter. Mais ces deux chansons étaient sur l’autre face. Avions-nous la force de retourner la cassette pour les écouter? Le simple fait de devoir envisager cette possibilité nous sortait de l’ambiance qui est au cœur de l’écoute de cet album. La plupart du temps il nous était impossible de retourner la cassette. Non pas parce que nous n’aimions pas ces deux chansons qui restaient, mais parce que, pour le faire, il aurait fallu nous défaire de l’emprise créée par l’écoute de tous les titres précédents.

Récemment, j’ai appris que l’album lui-même a longtemps existé seulement sous forme d’une cassette audio qui a voyagé comme passager dans la poche de Bruce Springsteen : la maquette de l’ensemble de chansons qui allaient devenir Nebraska, en exemplaire unique, sans copie, enveloppé dans un bout de tissu pour le protéger parce le boitier de cassette était trop encombrant pour rentrer discrètement dans le jean de l’auteur.

Dans son livre extrêmement détaillé sur la fabrication de Nebraska avec un titre tiré des paroles de l’album, Deliver Me From NowhereDélivre-moi de ce nulle part – l’auteur Warren Zanes piste l’histoire incroyable de cette cassette que Springsteen a transportée partout dans sa poche pendant des mois pour faire écouter cet enregistrement artisanal aux personnes de confiance. Parce qu’il ne savait pas quoi en faire. Et surtout pas un album!

Dans son autobiographie, le chanteur explique que les chansons étaient écrites rapidement et que chaque titre a fait l’objet de 3 ou 4 prises au maximum.17 Ce faisant, ce même individu qui avait passé des heures et des heures en studio à la recherche de la perfection pour chacun de ses disques depuis Born To Run en 1974, avait complètement changé de technologie. Il s’est servi d’un enregistreur TASCAM 4 pistes conçu pour le travail en home-studio.18 Pas besoin d’un studio ni de personnel.

Une fois les chansons déposées sur cassette, une réalité nouvelle s’est imposée à lui et à toute son équipe. A priori, Springsteen n’était pas un artiste solo. Il a fallu donc passer par des mois de travail infructueux avec les membres du E Street Band en studio pour finalement constater que les nouvelles versions des chansons sur cette petite cassette artisanale par le grand ensemble en studio ne donnaient pas satisfaction. Seulement quatre titres passeraient vers des versions en grande formation. Et c’est la majorité des pistes, dans leurs versions originales et très dépouillées, qui allait constituer directement le contenu de l’album Nebraska que nous connaissons – un album que j’allais croiser de manière inopinée dans un supermarché en France, et que j’allais recopier sur une cassette audio à mon tour pour l’écouter sur un lecteur de cassettes mono à piles sur les routes de France au crépuscule dans notre voiture d’occasion bien aimée.

Est-ce que Nebraska va supporter la lumière?

Depuis 1982, d’autres succès de la carrière de Springsteen ont fait de l’ombre à Nebraska, mais l’influence de ce projet en apparence discret a été déterminante.

En 1984, Born in the USA, a bénéficié de l’apport d’un total de 4 chansons développées à partir de la maquette de Nebraska sur cassette : la chanson-titre emblématique et souvent incomprise de Born in the USA, Downbound Train, et Working on the Highway figuraient toutes sur l’album qui a fait de Springsteen une star mondialement connue; le quatrième titre rescapé des séances de Nebraska était Pink Cadillac, sorti comme face B du 45 tours à grand succès, Dancing in the dark.

En 1993, Springsteen a crée Streets of Philadelphia pour le film Philadelphia de Jonathan Demme avec Tom Hanks et Denzel Washington. Multi-récompensée, la chanson a permis un plus grand rayonnement au film. Cependant, le point de vue du narrateur mourant du SIDA qui témoigne de son parcours et sa souffrance assumée dans la chanson, tout comme la mélodie et l’instrumentation minimalistes, doivent beaucoup à l’apprentissage et à l’art de la narration acquis par Springsteen lors de la création du corpus de Nebraska.

Enfin, sur scène dans le monde entier, encore en 2025, ce n’est pas seul mais accompagné de l’inoxydable E Street Band que Bruce Springsteen a joué d’innombrables concerts fleuves. Il est resté un artiste qui fait du bruit et qui n’a pas peur de lever la voix pour prendre position sur défendre ses valeurs sociales et politiques – comme il le fait dans ses compositions sur Nebraska, en assumant la voix de protagonistes qui témoignent d’une Amérique d’inégalités économiques où la résilience des individus impose le respect.

Cette semaine, il y a beaucoup de bruit autour de l’album intimiste qui est Nebraska. Une version augmentée de l’album historique avec des enregistrements inédits, sous le titre Nebraska 82, est désormais disponible. Au cinéma, il y a la sortie du film Deliver Me From Nowhere, réalisé par Scott Cooper, avec Jeremy Allen White qui joue le rôle de Springsteen dans un biopic sur la création de Nebraska – une œuvre qui prend appui directement sur les recherches réalisées par l’auteur Warren Zanes.

Comment cette œuvre de l’ombre va-t-elle supporter autant de lumière ? C’est difficile à dire. En attendant, allons revisiter la playlist gratuite sur YouTube de la version originale de Nebraska, cet album si singulier qui fait l’objet de tant d’intérêt … et de convoitises.

Deliver Me From Nowhere – Bande annonce VO sous-titres en français

Notes et références des traductions

  1. I saw her standin’ on her front lawn / Just a-twirlin’ her baton. (Nebraska) ↩︎
  2. L’écriture de cette chanson a été déclenchée pour Springsteen par la diffusion nocturne du film Badlands de Terrence Malick à la télévision. Le film met en scène le parcours meurtrier de Starkweather qui a secoué l’Amérique de 1957-58. ↩︎
  3. I got debts that no honest man could pay. (Atlantic City) ↩︎
  4. Down here it’s just winners and losers, and don’t get caught on the wrong side of that line. (Atlantic City) ↩︎
  5. Maybe everything that dies some day comes back. (Atlantic City) ↩︎
  6. Judge, judge, I got debts no honest man could pay / The bank was holdin’ my mortgage and they was takin’ my house away. (Johnny 99) ↩︎
  7. I do believe I’d be better off dead. (Johnny 99) ↩︎
  8. I’m tired of comin’ out on that losin’ end. (Atlantic City) ↩︎
  9. I got a brother named Frankie, and Frankie ain’t no good. (Highway Patrolman) ↩︎
  10. When it’s your brother, sometimes you look the other way. (Highway Patrolman) ↩︎
  11. When a man turns his back on his family, he just ain’t no good. (Highway Patrolman) ↩︎
  12. I’ve got a clear conscience about the things that I’ve done. (State Trooper) ↩︎
  13. Mr State Trooper, please don’t you stop me, please don’t you stop me. (State Trooper) ↩︎
  14. Hey somebody out there, listen to my last prayer / Hi ho Silver O, deliver me from nowhere. (State Trooper) ↩︎
  15. The neighbours come from near and far / As we pull up in our brand new used car. (Used Cars) ↩︎
  16. Hey Mr DJ, won’t you hear my last prayer / Hey ho rock n roll, deliver me from nowhere. (Open All Night) ↩︎
  17. Source Born to Run, autobiographie de Bruce Springsteen, p 298-99 de l’édition en anglais. ↩︎
  18. Une présentation remarquable du dispositif TASCAM en anglais de 5 minutes tirée des archives de la BBC de l’époque montre comment un musicien comme Springsteen pouvait travailler chez lui. ↩︎

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