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Aller chercher quelqu’un à l’aéroport n’est pas une activité habituelle pour un vacancier au Royaume Uni, mais il m’est arrivé de le faire en plein été. Cette rupture de rôle était énergisante. Et au cours de l’attente aux Arrivées à l’aéroport de Gatwick – le débarquement de l’avion était retardé – je me suis livre à une expérience d’observation des gens qui a abouti au poème qui constitue le prochain fragment dans mon album de récits de voyage.

Savoir observer des gens ne requiert aucune qualification particulière, juste un peu de temps et la curiosité suffisante pour faire autre chose que de faire défiler les nouvelles inutiles sur son téléphone. Cela signifie qu’au lieu de regarder vers le bas, on regarde vers le haut. Cela change quoi? Ce qui peut se passer dans notre environnement immédiat n’a pas été programmé par un algorithme. Du moins, pas encore.

Lorsque vous levez les yeux pour observer les gens, c’est vous qui prenez l’initiative. C’est vous qui remarquez ce qui se passe, ou qui ne remarquez rien, en fonction de l’endroit où vous vous trouvez, de la raison pour laquelle vous êtes là, et de ce que vous ressentez sur le moment.

Les gens sont la toile de fond, les acteurs et les auteurs de tout ce que vous voyez lorsque vous les observez, pris par leurs actions apparemment aléatoires. C’est la variété de ce que vous voyez, tout autant que son uniformité apparente, qui occupent l’esprit. Vous voyez des gens qui attendent, ceux qui marchent, d’autres qui s’interrogent ou qui s’impatientent, et même ceux qui s’ennuient. D’autres encore peuvent être absorbés par les moindres détails d’une opération minuscule comme, par exemple, sortir des objets d’un sac pour les mettre, un par un, dans un autre sac. Pourquoi ce changement de sac? Vous n’en saurez rien.

Les possibilités d’interprétation des ces actions poussent à l’invention. Vous pouvez essayer d’imaginer qui sont ces personnes, comment sont leurs vies et la raison de leur présence. Ou bien vous pouvez ne penser à rien en particulier, tout en laissant flotter votre esprit qui vagabonde dans toute cette comédie humaine.

En observant les gens ce jour-là, j’avais l’impression d’être à nouveau chez moi après une absence prolongée. En regardant les gens arriver avec leurs bagages et leurs beaux bronzages, je me suis senti de nouveau britannique, un natif infiltré. Je les attendais dans un lieu qu’ils appelaient chez eux, un endroit qu’ils retrouvaient, mais qui n’était plus chez moi.

J’observais leurs expressions de visage, leur langage corporel. Je regardais leurs vêtements, dont certains étaient clairement des souvenirs de vacances. Est-ce que, moi-même, je ne ressemblerais pas un peu à eux en rentrant chez moi en France? Je me le demandais. Alors qu’ils rangeaient leurs téléphones un instant pour dépenser leurs dernières forces dans l’achat de journaux et de boissons chaudes à emporter, je me suis laissé imaginer que, bien qu’ils soient rentrés à la maison – et c’est tellement agréable de rentrer à la maison – secrètement, ils planifiaient déjà leur prochaine évasion. J’ai eu le temps de gribouiller des phrases sur un bout de papier. Rien de très élaboré.

L’observation des gens est un cours d’anthropologie gratuit. Sans caméra. Alors sortons du téléphone, sourions, et profitons du paysage.

Le poème qui suit est venu quand j’ai repris le bout de papier. Je suis devenu cet individu qui sort les objets d’un sac pour les mettre, un par un, dans un autre sac.

TOUT JUSTE DE RETOUR ET DÉJÀ REPARTIS

Les voyageurs rentrent de vacances
Équipés de thés et de pitchounets,
Et de cafés lattes à emporter.

A coup de journaux et enfin du réseau,
Ils reprennent leurs calmants,
Sans s’y opposer et sans présupposés .

Si leur bronzage s’affiche royalement,
Les pieds en tongs mettent à nu
L’âme secrète qui sommeille bien cachée.

Au fond, ce pas lourd du retour au pays
N’empêche pas de se projeter
Sans tarder dans l’évasion à venir.

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