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Accepter le son de sa propre voix est l’une des clés pour prendre plaisir à prendre la parole. Mon post précédent, Accepter sa voix comme un audio-selfie, indiquait pourquoi nous sommes parfois perturbés par la découverte de notre voix sur un enregistrement. Je propose d’incorporer ces éléments techniques dans une activité de classe collective destinée à l’usage des enseignants. Cette activité a pour visée d’aider les adolescents en particulier à faire face au son de leurs propres voix.

Il s’agit de la réalisation et l’enregistrement d’un bulletin d’informations de type radio, de bout en bout, en un seul cours,1 avec l’enseignant comme présentateur et les élèves comme journalistes. L’écoute des voix enregistrées lors du journal permettra de parler non seulement de cette expérience d’oral collaboratif, mais également d’aborder la question du rapport que nous avons avec le son de notre propre voix.

Le format du journal en direct parle aux lycéens en particulier. Que ce soit dans sa version classique à la radio où par des reportages partagés sous formes diverses sur les réseaux sociaux, l’actualité résumée par des synthèses de 30-60 secondes leur est familière.

En cours d’anglais, c’est évidemment en langue étrangère que nous travaillons notre direct. Mais, comme l’oral est désormais l’objet d’évaluations dans toutes les disciplines, il est possible d’adapter l’activité pour créer en cours de mathématiques, d’histoire ou d’économie, un journal en direct qui reflète les thématiques de la discipline en langue maternelle.

Annoncer le projet et démarrer la séance

On peut démarrer cette séance en annonçant l’objectif à atteindre. Mais, depuis le jour où j’ai compris que cet exercice permet également d’aborder la question du son de la voix, j’utilise une amorce différente sous forme d’aveu, un peu comme ceci :

« Je suis professeur d’anglais, mais j’ai toujours rêvé de m’entendre présenter un journal à la radio – pas un grand journal avec beaucoup de discussion, juste un flash en quelques minutes où j’annoncerais les titres avant de reprendre chaque titre par le reportage d’un journaliste différent. Des fois, je poserais des questions pour en savoir plus. Bref, je serais le présentateur du journal… Et si c’était aujourd’hui? Et si c’était ici avec vous …. si vous en êtes d’accord. On parlerait de quoi? De quels sujets? »

Chacun échange avec ses voisins pendant une minute ou deux : « Parlez avec les personnes à côté de vous. Quelles sont les actualités du jour dans le monde, dans notre pays, dans notre ville, dans notre école ou dans notre classe? »

On affiche au tableau ou à l’écran toutes les propositions de sujets en quelques mots-clés. Certains sujets pourraient provoquer de l’émotion ou des commentaires négatifs au fil de l’énumération. Si on ne refuse rien à ce stade, il est important de noter également des propositions inattendues ou même farfelues : une gamme large, même trop large pour le bulletin final, permettra de faire des choix.

Une fois qu’il y a au moins 10 sujets affichés, les groupes vont devoir choisir : « En tant que présentateur, je vais laisser aux journalistes le choix de leur sujet du moment où ils puisent dans la liste que nous avons établie. D’ailleurs, c’est ce que vous allez le décider maintenant. Mettez vous par groupes, minimum à 2, maximum à 4. Quel sujet allez-vous prendre en charge dans votre groupe de travail pour préparer un flash de 30-45 secondes avec des faits correspondants »

Chaque groupe annonce son choix qui est ensuite coché par l’enseignant. Les groupes se mettent au travail pendant 15 minutes avant le passage au direct pour le journal.2

Se mettre en configuration de salle de rédaction

Pour préparer son intervention chaque groupe se rassemble autour d’une surface de travail commune. Ils sont encouragés à travailler avec leurs propres connaissances, sans se perdre dans les recherches sur internet. Ils peuvent avoir recours à l’aide ou à la validation de l’enseignant ou de leurs camarades à propos du contenu et de la forme de leur reportage.

Fond sonore pour une salle de travail

La préparation est collaborative, mais que dire de l’oralisation? Chaque groupe doit trancher. Qui va prendre la parole? Une seule personne? Si d’autres membres veulent participer, ils peuvent jouer le rôle de témoins ou d’experts que le journaliste interpelle pour illustrer son propos. Enfin, la plupart des élèves vont naturellement rédiger leur texte à l’écrit pour le lire à voix haute, donc un temps bref de répétition va être nécessaire pour la mise en bouche .

Quelle préparation spécifique de l’enseignant-présentateur pendant cette phase? En plus du pilotage du travail des groupes, 3 points sont incontournables. Tout d’abord, il va falloir fixer l’ordre des sujets lors du journal, faisant en sorte que cet ordre soit visible à tous pour le bon déroulement du direct. Ensuite, penser à vérifier que l’enregistreur du téléphone est prêt à fonctionner – cette trace de la production est indispensable pour la suite, donc il vaut mieux faire un essai avant le direct! Enfin, il est utile de rappeler régulièrement aux groupes le temps qu’il reste avant le passage au direct.

Passer au direct

Le moment du passage à l’antenne arrive. C’est le moment où les élèves se rendent compte que ce travail implique tout le monde – y compris leur professeur, qui va devoir passer, comme eux, à l’oral. Dès que le présentateur enclenche l’enregistreur de son téléphone, c’est parti!

Je conseille un rappel des titres en introduction avant de passer de groupe en groupe en fonction des sujets et dans l’ordre prévu. Approcher le téléphone de la personne qui parle permet d’obtenir un niveau sonore stable sur la durée.

Un jingle pour votre journal

En tant que présentateur, l’enseignant peut introduire des surprises pour créer l’ambiance d’un vrai direct.

Par exemple, il est possible de citer un sujet non retenu de la liste du départ comme une information « qui sera développée dans notre prochaine édition. » On peut aussi introduire de l’imprévu lors des interventions dans certains groupes en disant, par exemple pour un fait sportif : « Oui, je crois que vous avez à vos côtés un supporter de l’équipe qui était au match. Quelle impression garde-t-il des tirs au buts de la victoire? » Si la personne ne répond pas tout de suite, il faut agir comme un professionnel de l’information : « Notre liaison avec notre correspondant ne marche pas bien … On me signale en régie un problème de réseau … Nous allons y revenir dans notre prochain journal. Passons à la suite. »

L’oral est toujours du direct, on doit pouvoir s’adapter sans se bloquer ni bloquer la communication. A la fin, on remercie les auditeurs de leur fidélité et on coupe l’enregistrement.

Faire le retour sur l’enregistrement et les voix entendues

On peut laisser un temps d’échanges libres d’impressions tout de suite – cela aide à libérer tout le monde avant d’écouter l’enregistrement. Cette écoute se fera avec la consigne d’essayer de repérer qui parle à chaque moment. En plus de l’identité des locuteurs, les élèves en cours de langue peuvent remarquer d’autres choses – l’accent, l’audibilité, la fluidité ou des détails d’expression.3 L’évocation de ces éléments doit être brève avant que l’enseignant focalise l’attention sur l’impression dégagée par le son de la voix.

L’enseignant peut commencer par partager ses impressions de l’écoute de sa propre voix. Des déclencheurs simples mais directs aideront les élèves à participer : « Quelle est votre impression de votre voix? C’est la première que vous vous entendez comme ça? » La découverte de sa propre voix peut être étrange. L’implication de l’enseignant en tant que présentateur prend tout son sens de ce point de vue – entendre sa voix n’est jamais sans surprises, même pour un habitué de la prise de parole tel qu’un enseignant qui, de ce fait, participe activement à l’échange de la classe.

Buster Keaton plongé dans l’écoute – NPR

Entendre sa voix peut être une expérience décevante et déstabilisante. On peut le comparer à un audio-selfie en prenant appui sur des éléments fournis dans le post Accepter sa voix comme un audio-selfie que vous trouverez ICI – notamment le phénomène de la confrontation vocale.

Le son de notre propre voix va nous accompagner toute notre vie, avec des changements en fonction de l’age, et pouvoir accepter enfin la vérité de sa propre voix est déterminant pour Prendre plaisir à prendre la parole.

Aller plus loin

Réaliser le bulletin en un seul cours crée l’authenticité de l’élan individuel et collectif qui est si important pour l’oral. Certaines classes y prennent goût et, lorsque c’est le cas, la réalisation d’un bulletin d’informations en temps limité peut être programmée une fois par trimestre, ou parfois plus, pour permettre aux participants de mesurer l’évolution dans leurs prises de parole. Dans ce cas, plutôt que de dire simplement que chacun doit s’améliorer, il est utile d’identifier les améliorations constatées, des qualités à maintenir et les progrès à chercher pour la prochaine fois.

Les aspects techniques d’un journal radio sont présentés de manière très claire par le site 24hdansuneredaction.com avec, notamment, une page très pertinente au sujet du travail de la voix.

  1. Il s’agit d’un cours de 45-50 minutes de temps de travail effectif. ↩︎
  2. Il faut garder l’œil sur l’heure en pensant à ce qui reste à faire : préparer, enregistrer, écouter puis échanger à partir de l’enregistrement. Évidemment, on s’adapte aux événements de la séance. ↩︎
  3. Des points qui peuvent faire le sujet d’un autre cours ou d’un autre bulletin d’informations. ↩︎